C'est un après-midi sous le signe du (bon) vieux temps: ciel gris et nuageux, comme pour nous rappeler que le printemps n'est pas encore tout à fait installé, on se gare sur un terrain où l'herbe pousse en toute liberté, on marche jusqu'aux stands qui, entre morceaux de ferraille et accessoires des années 90, offrent un intérêt certain dès lors qu'un objet vient nous rappeler d'aimables souvenirs d'enfance. Un livre sur le corps humain vu de l'intérieur, une tortue à roulettes, des cassettes vidéos, des boucles d'oreilles à clip... Et parmi la foule, des bonjours fraternels, des "combien pour ce vase?", des commentaires à tout va à chaque fois que l'on s'arrête pour regarder: "Très utile ce porte-couteau fluorescent".
Et puis, d'un coup, on sort de sa rêverie éveillée, on l'a reconnue, là, c'est elle, notre meilleure amie de lycée. Après des années sans nouvelles, une inquiétude grandissante, suivi de regrets que l'on pensait garder sur le coeur encore bien longtemps, la voilà, cette rencontre au hasard, tant rêvée! Le coeur battant, on se dirige vers l'objet de notre réveil brutal. On s'exclame, on s'embrasse, on résume sa vie en deux phrases... Puis, vient l'échange des numéros. Est-ce que ça lui fait vraiment plaisir de me revoir? Fera-t-elle en sorte qu'on rattrape tout ce temps perdu? Me répondra-t-elle cette fois, si je l'appelle? Incertain, nostalgique, notre esprit s'embrouille et préfère alors profiter du moment présent.
Quand les stands se font moins nombreux, la rencontre est déjà loin, on rentre chez soi gentiment, en ne pensant plus qu'aux acquisitions faites. Après l'opération nettoyage et mise en situation/essayage, on délaisse ses nouveaux objets pour se consacrer à soi. Un livre entre les mains, impossible de se concentrer. La rencontre resurgit dans notre esprit, on se sent toute chose, même triste, et on éprouve le besoin d'écrire. Ecrire pour reporter quelque part cette joie intérieure profonde qui nous a envahi et qui nous a ramené quelques années en arrière, avec notre sensibilité, notre ambition, notre questionnement incessant d'adolescent standardisé. Et l'on se retrouve là, mal dans sa peau, ne sachant que faire sinon espérer que CETTE fois sera la bonne.